La nuit était tombée depuis longtemps sur Bouaké. Les rues, maintenant désertes, étaient baignées par la douce lueur argentée de la lune. Sur le toit de la maison familiale, recouvert de tôles rouillées, Fansso était assis, seul avec ses pensées. Le vent léger jouait avec ses cheveux, comme pour tenter de disperser les nuages sombres qui obscurcissaient son esprit.
Il tenait dans ses mains un carnet usé, dont les pages racontaient toute sa lutte intérieure : des personnages déformés, des visages en pleurs, des traits puissants et parfois brutaux. C’était plus qu’un simple art, c’était une confession, une bataille qu’il livrait contre un monde qui refusait de le comprendre.
Une sensation de solitude profonde l’envahit. « Pourquoi suis-je le seul à voir cette vérité ? » pensa-t-il, les yeux fixés sur le ciel étoilé, comme s’il cherchait une réponse dans les constellations. Mais le silence de la nuit ne lui offrait que son propre reflet, un miroir sans concession.
Il revit la scène chez l’éditeur d’Abidjan, où il avait tendu son travail avec espoir, seulement pour recevoir un refus poli, distant, mais écrasant.
— « Ton style est trop radical, trop noir. Nous préférons des histoires qui inspirent, qui célèbrent la vie. Pas cette noirceur. »
Ces mots résonnaient dans sa tête comme un verdict.
« Mais c’est ma réalité, » murmura-t-il. « Ce que personne ne veut affronter. »
Une larme silencieuse glissa sur sa joue. Il laissa échapper un soupir lourd, chargé de fatigue. Le poids des regards moqueurs à l’école, des insultes dans la rue, des dessins déchirés... Tout cela avait fini par s’accumuler en une douleur sourde qui menaçait de l’engloutir.
Il pensa à Nnenna. Sa présence, douce et rassurante, était un phare dans cette obscurité. Elle ne le jugeait jamais, elle croyait en lui d’une manière qu’il peinait à comprendre.
Le matin où elle lui avait offert ce carnet neuf, il avait senti une bouffée d’espoir. Comme si le simple fait de pouvoir recommencer, de poser ses idées sur des pages vierges, lui donnait la force de poursuivre.
Mais la nuit suivante, un incendie avait détruit une partie de la maison. Le feu avait tout dévoré : ses dessins, ses souvenirs, ses heures de travail.
Il se rappelait le goût amer de l’odeur de brûlé, la chaleur intense qui lui avait creusé la gorge, la vision des flammes dansant sur les murs noirs.
— « Tout est perdu, » avait-il pensé, le souffle court.
Il s’était effondré, vidé, abattu.
Mais quelque part au fond de lui, une étincelle refusait de mourir.
Cette douleur, cette rage, ce feu intérieur devinrent une nouvelle source d’énergie. Une promesse silencieuse : Je me relèverai.
Il ouvrit à nouveau son carnet et commença à dessiner, lentement, avec des gestes hésitants au début, puis plus sûrs. Chaque trait était un défi lancé à l’adversité, une déclaration d’existence.
Le soleil monta dans le ciel, éclairant doucement la pièce où il s’était réfugié. Le jour apportait une lumière nouvelle, une invitation à la renaissance.
Le téléphone vibra soudain. C’était un message d’Awa.
"Un journaliste international veut faire un reportage sur ton travail. C’est une chance."
Son cœur s’emballa. Était-ce enfin la reconnaissance qu’il attendait ?
Il ferma les yeux, respira profondément et se redressa.
La nuit des doutes s’achevait. Une nouvelle étape commençait
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