Chapitre 3 – Une fête trop bruyante
La musique cognait contre les murs comme une bête en cage. Des basses lourdes, presque animales, faisaient vibrer le parquet et les verres à moitié vides sur la table basse. Elena se sentait déjà ailleurs. À moitié étrangère dans cette soirée.
— J’avais oublié que la jeunesse se mesurait au volume sonore, lança-t-elle à Yuna, qui dansait déjà, une coupe de prosecco à la main.
— C’est une soirée d’anciens, pas une messe, répondit Yuna en riant. Détends-toi un peu, Leni. Tu fais ta vieille âme, là.
Elena roula des yeux, mais elle sourit. Il y avait de la chaleur dans cette fête. Des rires, des effleurements, des regards longs. Des odeurs de parfums bon marché et de joints discrets. Des gens qu’elle avait connus, d'autres qu’elle avait oubliés.
Et puis…
Alexis.
Il était là.
Adossé au mur du fond, comme toujours, un verre à la main, un regard qui scrutait la foule, et ce sourire… Celui qui avait su la convaincre à dix-sept ans qu’il était tout ce qu’elle méritait.
Elena sentit son cœur se serrer.
Il la vit. S’approcha.
— Elena, murmura-t-il en la prenant dans ses bras comme s’ils ne s’étaient jamais quittés.
Elle se laissa faire. Une poignée de secondes seulement. Assez pour sentir que rien n’avait vraiment changé. Ni son parfum. Ni son emprise.
— Je croyais que tu vivais à Paris, dit-elle en se détachant doucement.
— J’ai fait une pause. Je voulais revoir les vrais visages. Et puis… Yuna m’a dit que t’étais ici.
— Elle aurait pas dû.
— Pourquoi ? T’as peur de craquer encore ?
— J’ai peur de revivre des erreurs, répondit-elle. Et toi ? Tu fuis toujours le silence ?
Il sourit. Il avait toujours aimé ses réponses tranchantes.
— Tu veux boire quelque chose ?
Elle hésita. Puis haussa les épaules.
— Sers-moi ce que tu veux, mais évite le poison. Même sentimental.
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Ils s’étaient installés sur le balcon. Le vent d’avril faisait voler quelques mèches brunes autour du visage d’Elena. Elle regardait les lumières de la ville, les voitures au loin, les fenêtres éclairées des autres vies. Alexis la regardait, elle.
— Tu m’as manqué, dit-il simplement.
— Tu m’as trahi, répondit-elle. Avec des mots. Avec des gestes. Avec ton absence.
— Tu t’es éloignée bien avant moi.
— Tu as couché avec mon amie, Alexis. On appelle ça un raccourci, pas une rupture.
Il baissa les yeux. Son silence était plus lourd que n’importe quelle dispute.
Elle finit son verre d’un trait.
— J’ai changé, souffla-t-il. J’ai compris mes failles. J’ai appris. Et j’ai souffert, aussi.
Elle se leva.
— Et moi j’ai survécu. Tu sais quoi ? Je boxe maintenant.
— Tu frappes ?
— Seulement ce qui me revient.
Elle s’éloigna. Mais il l’attrapa par la main.
Son regard se fit plus intense.
— T’as pas peur qu’on se revoie ? Qu’on rallume un feu ?
Elle le fixa, froide.
— Le feu, Alexis, ça réchauffe ou ça détruit. Avec toi, c’était un incendie. Et j’ai fini en cendres.
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En rentrant, elle poussa la porte de l’appart et jeta ses chaussures contre le mur. Yuna dormait déjà, une série en pause sur Netflix, les écouteurs encore aux oreilles.
Elena s’enferma dans sa chambre. Elle retira ses vêtements lentement. Chaque geste comme un exorcisme.
Puis, dans le silence, elle prit son téléphone.
Un message.
Elena : Tu dors ?
Quelques secondes. Une réponse.
Léo : Je dors jamais vraiment.
Elena : Tu veux venir ?
Elle sentit son cœur battre plus fort.
Pas pour Alexis.
Pour un autre.
Pour un homme qu’elle ne comprenait pas encore, mais qu’elle désirait déjà trop.
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Léo n’est pas venu cette nuit-là.
Mais elle rêva de lui.
De ses mains.
De sa voix.
Et dans ce rêve, ce n’était pas elle qui tombait.
C’était lui.
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