Chapitre 3 - L'espionner, mais à quel prix ?

PDV Ethan :

Je suis revenu au Dôme comme on revient sur les lieux d’un incendie. Le genre d’endroit où l’air sent encore la cendre, même si tout a été nettoyé. Où chaque coin de mur te rappelle les flammes. Et ce soir, tout me rappelait lui.

Rayan.

Je suis arrivé plus tôt que d’habitude. J’ai pris ma place, celle près de l’entrée, là où je peux tout voir. Je balayais la foule du regard, mais c’était inutile. Je savais qu’il ne viendrait pas. Pas après ce que j’ai vu, pas après cette silhouette dans le couloir. Ce type. L’homme en noir qui nous a regardés comme on regarde un avertissement.

Mais je cherchais quand même.

Les corps défilaient, élégants, lascifs, anonymes. Je ne les voyais pas. Je ne voulais voir que lui. Ce regard insolent, ce sourire en coin, ce feu dans la gorge. Et son odeur, merde. Je l’avais encore sur moi. Dans mes mains, dans ma bouche.

Je n’aurais pas dû céder. Pas dans ce lieu. Pas comme ça. Mais il avait allumé quelque chose, un putain de feu de forêt. Et maintenant, j’étais là, à attendre dans les cendres.

Le staff a remarqué mon silence. Mes gestes plus durs, mes regards plus secs. Ils savent que quelque chose cloche. Mais personne n’ose poser de question. Pas à moi.

J’ai passé la soirée à scruter les reflets. À tendre l’oreille au moindre pas. À me tourner à chaque silhouette un peu trop fine, un peu trop souple. Et chaque fois, mon estomac se serrait quand ce n’était pas lui.

Je savais qu’il appartenait à quelqu’un d’autre. Je l’ai compris dans ses silences, dans les traces sur sa peau, dans le regard de l’homme en noir. Mais hier soir, il avait été à moi. Même si ce n’était que pour quelques minutes. Il avait choisi. Il avait brûlé.

Et maintenant, il avait disparu.

Je suis resté jusqu’à la fermeture. Jusqu’à ce que les lumières s’allument et que le monde redevienne banal. Puis j’ai rangé mes affaires. Lentement. En espérant, peut-être, un miracle. Un signe. Une présence.

Rien.

Je suis sorti seul. Comme toujours.

Mais cette fois, j’ai emporté avec moi une certitude glaciale :

Ce n’était pas fini.

Je suis rentré chez moi avec l’impression d’avoir laissé quelque chose derrière. Pas un oubli. Un manque. Une obsession.

Sous la douche, j’ai revu ses yeux. Le défi, le feu, et cette seconde — cette putain de seconde — où il avait eu peur. Pas de moi. De ce qu’on avait vu. De ce qu’il avait à perdre.

Il appartenait à quelqu’un. Ça, je l’avais compris au moment où la silhouette était apparue dans le couloir. Un garde du corps ? Un homme de main ? Un chien de garde envoyé par un maître plus cruel ? Peu importe. Ce genre de présence ne ment pas. J'ai le pressentiment que les rumeurs son vrai. Cet homme appartient réellement à Gabriel Morello.

Et Rayan, malgré tout ce culot, ce corps tendu, ce regard insolent… portait des chaînes.

Je ne supporte pas les chaînes.

Alors j’ai fait ce que je n’aurais jamais dû faire. J’ai allumé une clope — interdit chez moi aussi — et j’ai appelé un contact. Pas un ami. J’ai pas ce luxe. Juste quelqu’un de discret, efficace, payé pour savoir.

— Tu veux quoi exactement ? m’a-t-il demandé, sa voix endormie, agacée.

— Je veux son nom complet, son adresse, qui il fréquente, où il travaille, où il dort.

Un silence au bout du fil.

— C’est pas un caprice, Ethan ? Ce genre de truc… ça peut vite devenir compliqué. Dangereux.

— Je suis déjà dedans.

Il a soufflé. Puis il a dit :

— Envoie-moi ce que t’as. Une photo, un nom, un lieu. J’vais voir ce que je peux trouver.

J’ai hésité une seconde. Puis j’ai envoyé la seule chose que j’avais : une capture floue de la caméra du Dôme. Son profil, sa démarche, ce moment volé juste avant qu’il disparaisse.

C’était risqué. Peut-être même stupide.

Mais je ne pouvais pas l’oublier.

Ce n’était plus un jeu.

C’était personnel.

Trois jours plus tard, il m’a rappelé.

J’étais encore au Dôme. Même siège, même silence. Le monde tournait autour de moi, mais j’étais ailleurs — dans cette attente suspendue, entre fièvre et frustration. Quand le téléphone a vibré dans ma poche, j’ai su que c’était lui.

— J’ai ce que tu voulais, a-t-il dit sans préambule.

Mon cœur a fait un bond. Je me suis levé, suis sorti sous la pluie fine sans même prendre mon manteau.

— Parle.

— Il s’appelle Rayan Soria. Vingt-deux ans. Dossier presque vierge, si on exclut deux ou trois gardes à vue pour tapage et résistance à l’interpellation. Rien de sérieux. Rien qui colle avec le milieu dans lequel il baigne.

— Et Morello ?

Un silence. Puis sa voix est tombée, plus grave.

— Il vit dans un appartement de fonction, payé par une société écran liée à Gabriel Morello. Même adresse que plusieurs hommes de main connus. Et le plus intéressant : il bosse officiellement comme "assistant privé". Traduction ? Propriété personnelle.

Je me suis adossé au mur, la pluie ruisselant sur ma nuque.

— Il est gardé ?

— Pas officiellement. Mais y’a toujours un type dans une bagnole en bas de chez lui. Toujours. J’ai pas pu l’approcher. Pas encore.

— Et lui ? Tu l’as vu ?

— Une fois. Il est sorti pour une course. Pas plus de dix minutes. Il avait l’air pressé. Fatigué. Et…

— Et ?

— Il regardait partout. Comme s’il s’attendait à te voir surgir de l’ombre.

Mon souffle s’est figé. Il ne m’avait pas oublié.

— Tu veux que je continue ?

J’ai hésité. La partie raisonnable de mon cerveau hurlait d’arrêter. De le laisser là, de brûler tout ce qui me restait de lui. Mais je n’ai jamais été très raisonnable.

— Continue. Je veux tout.

— Ok. Mais fais gaffe, Ethan. T’es pas le premier à t’intéresser d’un peu trop près à un jouet de Morello. Et les autres… ils ont disparu.

Il a raccroché.

Et moi, j’étais là, seul sous la pluie, avec un nom gravé au fond du crâne : Rayan Soria.

Maintenant, je savais qui il était.

Restait à comprendre comment le sortir de là.

Ou à quel prix.

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