PDV Rayan :
Je ne viens jamais deux fois au même endroit. C’est une règle que je me suis imposée depuis longtemps. Les habitudes rendent prévisible. Et les hommes comme moi n’ont pas le luxe d’être prévisibles.
Mais ce soir, j’avais envie d’un frisson. Pas d’un corps. D’un regard qui brûle, d’une tension qui serre la gorge, d’un jeu risqué. Et j’avais entendu parler du Dôme. Discret. Sélectif. Le genre de lieu où les puissants viennent salir leur cravate sans que personne ne pose de questions.
Je suis entré sans attendre qu’on me laisse passer. J’ai vu l’instant où il m’a repéré. Grand, solide, un mur de chair et de silence. Ethan. Le genre d’homme qui te fait te redresser sans même parler. Le genre qu’on ne touche pas sans permission.
Alors, évidemment, j’ai voulu le toucher.
Je me suis installé au bar. J’ai sorti une cigarette — interdit, je le savais — et je l’ai quand même allumé. Juste pour voir. Pour sentir le courant changer dans l’air. Il n’a pas bougé, mais son regard, lui, s’est figé une seconde. Et cette seconde a suffi.
Le jeu a commencé.
Je l’ai cherché. Pas avec des mots. Avec ma présence. En me glissant dans ses angles morts. En le frôlant quand j’aurais pu l’éviter. Je voulais qu’il cède. Je voulais qu’il me prouve que derrière ce masque de professionnalisme, il y avait un homme prêt à brûler.
Et il a brûlé.
Quand il m’a saisi par le poignet pour m’emmener à l’arrière, j’ai senti son pouce contre ma peau. Son toucher m’a électrisé. La porte s’est refermée derrière nous, et c’est moi qui l’ai attrapé. Sa bouche, son corps, tout était là, tendu, retenu, furieux. C’était une collision. Un orage.
Et j’ai aimé chaque seconde.
Il m’a plaqué contre le mur. J’ai offert ma gorge. Il a mordu. Pas pour faire mal. Pour marquer. Et j’ai frissonné. Je n’étais plus dans la provocation. J’étais dans l’addiction.
Ses mains étaient sûres, ses gestes précis. Et quand nos vêtements ont commencé à tomber, j’ai senti ses doigts s’attarder sur mes côtes. Il a vu les traces. Les griffures. Les cicatrices. Celles que je ne cache plus depuis longtemps. Il a hésité.
Je l’embrasse plus fort pour qu’il arrête de réfléchir.
Parce que je n’avais pas besoin de sa pitié. Juste de son désir. De sa colère. De cette énergie brute qui me faisait sentir vivant.
Mais je savais ce que je faisais. Je savais à qui j’appartenais.
Gabriel Morello. Ce nom, personne ne le prononce à voix haute dans ce genre de lieu. Il est trop lourd, trop réel. Les gens préfèrent croire que ces clubs n’ont rien à voir avec la criminalité. Moi, je suis la preuve vivante du contraire.
Je suis à lui.
Une jolie vitrine. Un jouet précieux. Et parfois, un avertissement vivant.
Mais ce soir, je l’ai trahi. Volontairement. J’ai cherché Ethan. J’ai provoqué le feu.
Et maintenant, je sens que les flammes me suivent.
Quand on est sortis de la pièce, encore tremblants, encore haletants, j’ai vu la silhouette à l’autre bout du couloir. Costume noir. Regard vide. Un des hommes de Gabriel. Il nous observait. Il avait tout vu.
Ethan s’est tendu. J’ai senti son corps se refermer comme une porte qui claque.
Le jeu venait de changer.
Et pourtant, malgré le danger, malgré la peur qui s’insinuait doucement sous ma peau, je n’ai pas regretté. Pas une seconde.
Parce qu’Ethan m’avait touché comme si j’étais à lui.
Et ça… ça, je n’étais pas prêt à l’oublier.
......................
Je rentre toujours seul. Même quand je ne le suis pas.
Le chauffeur m’attendait devant le club, comme toujours. Silencieux. Professionnel. Il n’a pas levé un sourcil en me voyant sortir en avance, ni jeté un regard vers le couloir où l’ombre nous observait. Mais je sais qu’il a compris. Ils comprennent toujours. Chez Morello, personne ne parle, mais tout se sait.
Je me suis enfoncé dans le cuir du siège arrière, les vitres teintées isolant le monde. Mon cœur battait encore fort. Mon corps portait encore l’empreinte d’Ethan. Ses doigts, sa bouche, son regard. Je l’avais voulu. Je l’avais eu. Et maintenant, je devais en payer le prix.
La voiture s’est arrêtée devant l’immeuble. Pas celui qu’on voit dans les journaux. Celui derrière, plus discret. Celui que personne n’identifie comme étant à Gabriel Morello, mais que tout le monde évite. Le portier m’a ouvert sans un mot. Mes pas résonnaient trop fort dans le hall vide.
Je suis monté, lentement. Pas par peur. Par stratégie.
Quand je suis entré dans l’appartement, il faisait sombre. Toujours cette lumière tamisée, ces odeurs contrôlées, cette perfection glaciale. Tout ici respire le luxe. Et l’absence d’âme.
Il était là, assis dans un fauteuil en cuir noir, un verre à la main. Son regard s’est levé vers moi, lentement. Son visage ne montrait rien. Mais c’était ça, le pire chez Gabriel. Ce qu’il ne disait jamais. Ce qu’il ne montrait pas.
— Tu rentres tôt, a-t-il simplement dit.
Sa voix était calme, posée. Celle d’un homme qui n’a jamais besoin de hausser le ton pour qu’on l’écoute. Ou qu’on obéisse.
Je n’ai pas répondu. Je suis resté près de la porte, mon manteau toujours sur le dos.
— Le Dôme, ce soir ? a-t-il poursuivi.
Il connaissait déjà la réponse. Bien sûr qu’il savait. Il sait toujours.
— J’avais envie de sortir, ai-je dit.
Un silence. Long. Lourd.
Il a reposé son verre. S’est levé avec cette lenteur étudiée qui donne à chaque mouvement une tension froide.
— Tu es libre de sortir, Rayan.
Il s’est approché. Ses pas feutrés sur le tapis, son ombre qui avalait la mienne. Il s’est arrêté à un souffle de moi. Son regard s’est plongé dans le mien, noir, impénétrable.
— Tant que tu te rappelles à qui tu appartiens.
Ses doigts ont effleuré ma joue. Un geste presque tendre. Presque.
Mais je sais ce que cache cette douceur.
Je n’ai pas cillé. Je ne lui ai pas offert ma peur.
— Je n’oublie pas, ai-je murmuré.
Un mensonge. Un de plus.
Il a souri, ce sourire vide qui ne touche jamais ses yeux. Puis il s’est détourné, comme si rien ne s’était passé. Comme s’il ne sentait pas l’odeur d’un autre homme sur moi. Comme s’il n’avait pas déjà décidé, dans un coin de son esprit, ce qu’il ferait de ma trahison.
Je suis resté debout un moment, dans ce silence feutré qui colle à la peau.
Je me suis demandé si Ethan pensait encore à moi.
Puis j’ai enlevé mon manteau. Et je me suis préparé à vivre avec les conséquences.
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