Chapitre 4: Premières Vérifications

Après le déjeuner, je ressors dans le hall, mon esprit encore en ébullition. Ce matin, je me suis réveillé d’entre les morts. À présent, je suis assis à la même table que ma famille, dans un monde que je croyais perdu.

Et pourtant, tout est bien réel.

Je me dirige vers mon bureau, un endroit où, autrefois, je ne passais que peu de temps, trop occupé à gaspiller ma fortune dans les plaisirs éphémères. Aujourd’hui, c’est ici que tout doit commencer.

En entrant, une sensation étrange m’envahit. Ce bureau… Je ne l’avais jamais vraiment regardé. Il était là, un simple symbole de mon statut, mais jamais un outil. Pourtant, aujourd’hui, chaque détail semble chargé de sens.

Je m’approche du grand bureau en acajou et ouvre l’agenda en cuir posé dessus. Je tourne les pages, mon cœur battant plus fort à chaque ligne parcourue.

19 février.

La date est bien celle de mon retour. Cinq ans avant ma chute.

Puis, mon regard tombe sur un nom.

Aliana Hegel.

Mon sang se glace.

Elle est déjà là. Tapie dans l’ombre, prête à jouer son rôle dans ma destruction.

Aliana…

Son image s’impose à moi comme un spectre du passé.

Un sourire envoûtant, des boucles sombres et soyeuses, des yeux verts perçants qui semblaient lire en moi avec une acuité troublante. Une présence à la fois douce et dangereuse.

La première fois que je l’ai vue, c’était lors d’un gala caritatif organisé par ma famille. Elle était arrivée aux bras de son père, Reinhard Hegel, un titan de l’immobilier connu pour ses alliances douteuses et ses méthodes impitoyables.

Mais ce n’était pas son père le vrai danger.

C’était elle.

Elle était une joueuse hors pair, une stratège implacable. Elle ne convoitait ni mon argent ni mon pouvoir. Non. Elle voulait ma ruine.

Et elle l’a eue.

D’abord en me charmant, en me faisant croire que je la conquérais alors qu’elle manipulait chaque instant. Puis en m’isolant peu à peu de mes proches, semant le doute, nourrissant mon orgueil. Elle savait exactement quels fils tirer.

Et enfin, elle m’a fait tomber.

Détournement de fonds. Documents falsifiés. Mauvaises décisions influencées par ses conseils empoisonnés.

Et le pire ? Le regard qu’elle m’a lancé lorsque tout s’est écroulé.

Un mélange d’amusement et de satisfaction.

Aujourd’hui, son nom sur cette page n’est plus une simple invitation à un dîner. C’est une alerte. Un avertissement.

Cette fois, c’est moi qui vais jouer.

Je referme brusquement l’agenda.

Mais un bruit derrière moi me fait sursauter.

Je me retourne d’un coup.

Sofia, la jeune domestique, se tient dans l’encadrement de la porte, une chemise fraîchement repassée dans les mains.

— Je… Je suis désolée, Monsieur Elton. Je ne voulais pas vous déranger.

Elle baisse les yeux, mal à l’aise.

Mon cœur bat encore fort. Un instant, j’ai cru que… Mais non. Juste une domestique.

Mais une domestique que je n’ai jamais remarquée auparavant.

Je l’observe plus attentivement. Son visage rougit légèrement sous mon regard, et elle détourne les yeux.

— Ce n’est rien, Sofia, dis-je doucement.

Elle hésite, puis tend la chemise.

— Je vous ai apporté votre tenue pour la réunion.

J’attrape le vêtement, mais elle ne s’en va pas tout de suite. Elle semble chercher ses mots, puis lâche timidement :

— Vous… Vous avez l’air différent, Monsieur.

Un frisson me parcourt.

— Différent ?

Elle hoche la tête.

— Je ne sais pas… Plus calme. Plus… réfléchi.

Elle rougit davantage et recule vers la porte.

— Je vais vous laisser.

Je la regarde partir, mon esprit en alerte.

Si même une domestique remarque que quelque chose a changé en moi… je vais devoir être prudent.

Je repose la chemise et me tourne à nouveau vers l’agenda.

Aliana Hegel.

Cette fois, c’est elle qui tombera dans mon piège.

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