Sous Les Ombres De Naples

Sous Les Ombres De Naples

La dette

Livia Moretti descendit les marches usées de l’immeuble familial, ses chaussures émettant un léger écho dans la cage d’escalier sombre. Les murs, autrefois blancs, étaient maculés de graffitis et de fissures, témoins silencieux d’une vie passée à Naples, entre espoir et désillusion. Elle vérifia son appareil photo dans son sac – son seul refuge dans un monde qu’elle ne comprenait plus. Ce soir, pourtant, elle n’allait pas capturer de coucher de soleil ou d’instant volé dans les ruelles étroites. Ce soir, elle allait affronter un démon qu’elle espérait ne jamais croiser : la mafia napolitaine.

Elle s’arrêta un instant au bas des marches, le cœur battant. Luca, son frère aîné, avait toujours eu un don pour s’attirer des ennuis. Mais cette fois, il avait franchi une ligne qu’elle ne pouvait pas ignorer. Une dette colossale, contractée auprès de l’un des clans les plus redoutés de Naples, pesait désormais sur leur famille. Leur mère, épuisée par des années de travail comme femme de ménage, n’avait pas les moyens de régler cette somme. Et Luca... Luca avait disparu.

Quand Livia poussa la porte du café où elle avait été convoquée, l’atmosphère était lourde. L’endroit était presque vide, hormis un groupe d’hommes installés au fond de la salle. Ils étaient habillés de manière simple, mais leur posture trahissait leur appartenance à un monde où le pouvoir ne se mesurait pas en mots, mais en regards et en silences.

Parmi eux, un homme attira immédiatement l’attention de Livia. Assis au centre, il semblait n’accorder qu’une attention distraite à la conversation qui l’entourait. Une chemise noire impeccablement boutonnée soulignait sa carrure athlétique, et ses cheveux sombres étaient coiffés en arrière avec une précision presque agaçante. Lorsqu’il releva la tête, ses yeux, d’un gris glacial, rencontrèrent les siens. Elle ressentit un frisson parcourir sa colonne vertébrale, mais elle se força à ne pas détourner le regard.

— Tu dois être Livia, dit-il, sa voix basse et posée résonnant dans l’espace comme une menace voilée.

— Et toi, tu dois être celui qui terrorise ma famille, répliqua-t-elle, les mains crispées sur la sangle de son sac.

Un sourire en coin se dessina sur son visage.

— Matteo Esposito, répondit-il en se levant. Et je ne fais que mon travail. Ton frère savait ce qu’il faisait en empruntant cet argent.

— Mon frère est un imbécile, lâcha-t-elle, la colère masquant à peine son angoisse. Mais cela ne donne pas le droit à tes hommes de menacer ma mère.

Matteo haussa un sourcil, amusé par son audace.

— Tu es courageuse, je te le concède. Mais le courage ne rembourse pas une dette.

Livia serra les dents. Elle savait qu’il avait raison. Les 50 000 euros que Luca devait à la mafia étaient une somme qu’elle n’aurait jamais pu réunir, même en travaillant jour et nuit pendant des années. Mais il fallait trouver une solution.

— Je suis là pour régler ça, dit-elle d’une voix plus posée. Pas pour discuter de la stupidité de mon frère.

Matteo croisa les bras, l’observant avec une intensité déstabilisante.

— Intéressant. Et comment comptes-tu faire ?

Elle inspira profondément avant de répondre :

— Je travaillerai pour toi.

Un silence tomba dans le café. Les hommes autour de Matteo échangèrent des regards surpris, certains esquissant même un sourire moqueur. Matteo, lui, sembla réfléchir un instant, ses yeux ne quittant pas les siens.

— Tu sais dans quoi tu t’engages ? demanda-t-il finalement, sa voix plus froide.

— Non, mais je sais que je n’ai pas le choix, répondit-elle sans hésiter.

Il laissa échapper un léger rire, mais il n’y avait aucune chaleur dans ce son.

— Très bien, Livia Moretti. Considère cela comme un contrat. Tu travailleras pour moi jusqu’à ce que la dette de ton frère soit réglée. Mais sache une chose : je n’ai pas de patience pour les erreurs ou les états d’âme.

Elle hocha la tête, son estomac se nouant à la pensée de ce qu’elle venait d’accepter.

— Parfait, dit Matteo en se rasseyant. Nous commençons demain.

Le lendemain matin, Livia se retrouva dans une voiture noire aux vitres teintées, conduite par un homme silencieux et imposant. On ne lui avait donné aucune indication sur ce qu’elle allait faire, seulement qu’elle devait être prête à sept heures. La ville défilait à travers les vitres, mais elle ne voyait rien, trop préoccupée par les pensées qui tournaient en boucle dans sa tête.

La voiture s’arrêta devant un entrepôt à l’extérieur de la ville. Matteo l’attendait à l’entrée, une cigarette entre les doigts.

— Tu es à l’heure, c’est déjà ça, lança-t-il en guise de salutation.

— Et maintenant ? demanda-t-elle, croisant les bras pour cacher son malaise.

Il écrasa sa cigarette sous son talon et se tourna vers elle.

— Maintenant, tu apprends.

Elle le suivit à l’intérieur, où plusieurs hommes s’affairaient autour de caisses empilées. Matteo lui expliqua rapidement qu’ils supervisaient une livraison « spéciale » – des marchandises qui, bien sûr, n’avaient rien de légal. Livia sentit sa gorge se serrer, mais elle garda le silence.

— Ton rôle est simple, dit Matteo en se penchant légèrement vers elle. Observer. Écouter. Et surtout, ne jamais poser de questions.

Elle acquiesça, bien qu’une partie d’elle brûlait de poser justement toutes les questions du monde. Pourquoi avait-il accepté de l’impliquer ? Pourquoi lui faisait-il confiance, même un minimum ? Et surtout, pourquoi ressentait-elle ce mélange troublant de peur et d’attraction en sa présence ?

La journée passa lentement, rythmée par les regards méfiants des hommes autour d’elle et les ordres brefs de Matteo. Quand le soir arriva, elle était épuisée, mais une chose était claire : elle était désormais plongée dans un monde qu’elle avait toujours méprisé.

Alors qu’elle remontait dans la voiture qui la ramènerait chez elle, Matteo posa une main sur la portière, l’empêchant de la fermer.

— Une dernière chose, dit-il, son ton plus grave.

Elle leva les yeux vers lui, son cœur battant à tout rompre.

— Dans ce monde, tout a un prix, Livia. Et tu viens de vendre une partie de ton âme.

Puis il referma doucement la portière, la laissant seule avec ses pensées et une certitude glaçante : elle avait signé un pacte avec le diable.

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