Contes De Fées
Une jeune princesse d’une beauté infinie, était
souveraine d’une île où rien ne manquait de ce
qui fait les désirs de tous les hommes ; les
maisons y étaient couvertes de lames d’or, et les
temples et les palais en étaient pavés.
Les habitants de l’île vivaient en parfaite santé
chacun plus d’un siècle, et cette longue vie n’était troublée ni par les procès, ni par les querelles :
l’on n’y jouait pas à ces jeux si pleins de tumulte
que l’avarice a inventés ; on y songeait seulement à prendre des plaisirs tranquilles, qui ne coûtaient ni soin, ni inquiétude.
Cette île avait toujours été inconnue au reste
des hommes ; on s’y trouvait si heureux, qu’on
n’en voulait pas sortir, et l’on n’y voulait pas
recevoir d’étrangers, de peur qu’ils ne
corrompissent les mœurs innocentes des
habitants. Les hommes de ce temps-là, qui
avaient été si curieux de faire des découvertes,
avaient passé et repassé auprès de l’île sans en
avoir eu la moindre connaissance : la nature luiavait mis tout autour une chaîne de rochers qui la rendaient inaccessible, et avait seulement laissé un passage qui conduisait à un port admirable qui était dans l’île ; c’était même dommage qu’on ne s’en servît, car mille vaisseaux y eussent été fort au large.
Depuis que les hommes s’étaient mis à
chercher de nouvelles habitations, et qu’on eut
fait tant de merveilleuses découvertes, les princes de l’île qui connaissaient le pouvoir de plusieurs fées qu’ils avaient eu chez eux de temps immémorial, les prièrent d’empêcher, par leur art, que ces curieux si fameux qui avaient déjà pénétré en tant de lieux inconnus à tous les
siècles précédents, ne pussent pénétrer chez eux.
Le seul remède que les fées y trouvèrent, fut
d’entourer l’île d’une nue si épaisse, qu’on ne pût
rien voir au travers ; et cela eut un si bon succès,
que ceux qui avaient déjà navigué à la vue des
rochers, étant revenus pour chercher un passage, et tâcher de reconnaître si ces rochers
n’enfermaient pas une île, n’y reconnurent plus
rien, n’ayant trouvé dans les endroits où ils
croyaient les avoir vus, qu’une épaisse obscurique les meilleurs yeux ne pouvaient pénétrer.
Les princes de l’île, depuis un siècle ou deux,
avaient eu curiosité de savoir ce qui se passait en terre ferme, et leur coutume était d’envoyer de
temps en temps des espions chez leurs plus
proches voisins : ils y envoyaient les plus affidés
et les plus habiles de leurs courtisans, à qui les
fées donnaient, par leur art, le pouvoir de voler
aussi loin qu’il leur plaisait, en se reposant de
temps en temps sur quelque rocher ; elles leur
avaient aussi donné le moyen de devenir
invisibles, en leur faisant porter des robes qui
étaient brillantes comme la lumière du jour. Cette commodité d’envoyer chez les voisins, avait
instruit les habitants de l’île de tout ce qui se
passait dans le monde, si bien qu’il s’était élevé
parmi eux des troupes de politiques, ou autrement des nouvellistes qui raisonnaient comme leurs pareils raisonnent à Paris sur les desseins et la conduite des potentats, avec cette différence que ceux de l’île étaient souvent plus instruits que les plus éclairés de tous ceux que nous connaissons, qui ont cependant la hardiesse de décider sur les motifs de la paix et de la guerre, dont ils n’ontpas la moindre notion.
La princesse qui commençait à avancer en
âge, s’ennuya de la trop grande tranquillité où
elle vivait ; elle avait su, par le rapport de ses
espions, qu’il y avait un roi puissant en terre
ferme, lequel avait acquis une grande gloire à la
tête de ses armées, et une grande réputation de
sagesse à la tête de tous ses conseils, ce qui
l’avait rendu redoutable à tous ses voisins. Il était si doux, si poli et si affable, qu’il faisait les
délices de ses sujets : il tenait une cour
magnifique, où tous les plaisirs abondaient ; les
carrousels, les tournois, la chasse, le bal, la
musique, la comédie, et quelquefois la bonne
chère l’occupaient, aussi bien que toutes les
dames et tous les hommes de sa cour ; et dans le milieu de tout cela, il ne paraissait vouloir
prendre aucun engagement ; il était par-dessus
tout le plus beau des hommes de sa cour ; mais sa beauté était accompagnée de tant de majesté, et d’une mine si relevée, qu’on ne le pouvait
prendre que pour un héros. Il avait laissé tirer son portrait à tous les peintres qui le désiraient,
lesquels avaient la liberté d’y travailler tous lesmatins pendant qu’il s’habillait. La princesse de l’île qui le savait, chargea un de ses espions de le lui apporter, et aussitôt qu’elle l’eut vu, elle se
trouva saisie d’une douleur subite de ce que son
île était inconnue. Les plaisirs tranquilles de sa
cour lui parurent insipides, et elle trouvait tous
ses courtisans infiniment au-dessous d’un roi de
si bonne mine et d’une si belle réputation. Elle
avait lu quelques livres pleins de grandes
aventures, qui lui avaient tellement relevé le
courage, qu’elle ne pouvait plus entendre parler
que de héros ou d’actions héroïques, et elle s’était enfin imaginée qu’elle ne serait jamais heureuse si le grand roi qu’elle estimait tant ne songeait à l’épouser : mais comment faire ? Elle n’en était pas connue, non plus que l’île où elle régnait. Elle fit appeler celle de toutes les fées de ses états qui avait la réputation d’être la plus savante, et après lui avoir communiqué le désir qu’elle avait de prendre une alliance hors de son île, et lui avoir parlé du mérite du grand roi, elle
demanda de quels moyens elle se pourrait servir
pour lui faire connaître les dispositions où elle
était pour lui, et comment elle pourrait réussir àlui en faire naître de semblables pour elle. La fée
lui dit qu’il fallait premièrement lui donner
connaissance de l’île, afin qu’il lui prît quelque
curiosité de savoir ce qui s’y passait, ne doutant
point que s’il entendait parler du mérite de la
princesse qui y donnait la loi, il n’eût incontinent
une plus grande passion de la posséder que son
île.
Il semblait véritablement que ce fût la destinée
du grand roi d’aimer la princesse, puisqu’elle
était une des plus belles personnes du monde, et qu’il n’avait encore jamais été touché d’aucune
autre beauté, quoique sa cour fût remplie de
personnes très aimables. La princesse, de son
côté, semblait lui réserver son cœur ; car
quoiqu’elle eût dans son île des princes de son
sang, et plusieurs autres grands très capables de toucher une jeune princesse, elle les avait
toujours regardés avec une grande indifférence.
Enfin la princesse, conseillée par la savante
fée, résolut d’envoyer à la cour du grand roi le
dernier espion qu’elle y avait employé invisible :
il y vola par l’art de féerie à son ordinaire, mais ilavait ordre d’y paraître dans la suite comme un
étranger qui voyageait. La princesse lui avait
donné de l’argent et des pierreries, dont il se
servit pour s’habiller à la manière du pays, et il
s’introduisit dans les bonnes compagnies.
Après y avoir fait quelque séjour, il trouva
moyen de se mettre en familiarité avec ceux qui
étaient plus particulièrement dans la confidence
du grand roi ; et étant un jour à la table de l’un
d’eux, où il y avait d’autres étrangers, un chacun
raisonnant du mérite de son souverain, il soutint
qu’il avait l’honneur d’être sous les lois d’une
princesse à qui il était plus glorieux d’obéir que
de commander ailleurs. La contestation
s’échauffant, il dit qu’il avait de quoi justifier ce
qu’il avait avancé ; et ayant fait voir le portrait de
la princesse, qu’il portait dans une boîte garnie de pierreries d’une richesse immense, il attira les
yeux de tous ceux qui étaient présents, et ils se
levèrent tous pour rendre une espèce d’hommage à la beauté de la princesse, et la contempler de plus près. Il fut aussitôt prié de dire quelle partie de la terre était le lieu de la naissance d’une princesse si merveilleuse ; mais il fit difficulté dedire son secret, et un chacun, par discrétion, ne lui en parla plus. La conversation changea, et le repas étant fini, le bruit fut bientôt répandu à la cour de la beauté surprenante d’une princesse de qui l’on avait vu le portrait, et que personne de la cour ne connaissait.
Le roi curieux d’apprendre ce qu’il n’avait
entendu que confusément, et de voir la peinture
d’une princesse si charmante, envoya dire à
l’étranger qui l’avait en sa possession, qu’il
souhaitait de lui parler. L’envoyé de la princesse,
qui ne demandait pas mieux, dit au grand roi tout ce qui pouvait lui faire naître une grande passion
de posséder la princesse et son île, et le portrait
qu’il montra acheva ce qu’il avait commencé par
ses discours. Le roi surpris de tant de merveilles,
les contempla longtemps sans détourner les yeux, et s’il les détourna, ce ne fut qu’en soupirant, et pour prier, avec un très grand empressement, l’envoyé de lui dire s’il ne lui serait pas possible de voir une princesse si charmante. L’envoyé lui ayant répondu que tout était possible pour un grand roi comme lui, et que la princesse qui commandait dans une île inaccessible à touteautre puissance, la rendrait apparemment d’un plus facile abord pour lui, qu’elle estimait déjà infiniment sur les fidèles relations qui lui avaientété faites de toutes ses grandes qualités, le roi lui dit que s’il lui facilitait le moyen de voir une princesse sans laquelle il croyait ne pouvoir plus vivre, il n’y avait rien qu’il ne pût obtenir de lui, et qu’il n’avait qu’à désirer. L’envoyé répondit
encore au roi, que croyant que sa souveraine
l’aurait agréable, il la lui ferait voir quand il lui
plairait, et que c’était sans espoir de récompense, puisqu’il n’en pouvait recevoir que de la
princesse, à qui il avait fait serment de fidélité.
Après une conférence secrète avec le roi,
l’envoyé de la princesse partit pour l’aller avertir
que le plus grand roi du monde souhaitait
passionnément de la voir et de l’épouser, et qu’il
viendrait avec une flotte d’une magnificence
infinie, si elle avait agréable de faire rendre
praticable le passage à son île.
La princesse fit appeler la savante fée, qui mit
sur la pointe de deux rochers, aux côtés du
passage au port, deux globes de diamants quijetaient tant de feu, que tous les rayons du soleil ne portaient pas plus de lumières. L’envoyé fut dépêché pour en aller porter la nouvelle au grand roi, qui fit mettre incontinent à la voile, très impatient de voir la princesse qui faisait tous ses désirs. Le bruit de cette nouvelle découverte d’une île inconnue et d’une princesse miraculeuse, s’étant répandu dans le monde, un roi voisin, et jaloux de toutes les prospérités du grand roi, résolut de lui disputer la possession de la princesse, et se mit en tête d’en faire la conquête et celle de son île ; et le grand roi ne fut pas plutôt en pleine mer, qu’il se vit suivi d’une flotte formidable. Ce qu’il y avait encore de plus à craindre, c’est que le roi qui la commandait avait auprès de lui une fée de qui les secrets étaient si puissants, que rien jusque là n’avait pu lui résister ; elle était depuis peu devenue l’amie du roi auprès duquel elle était, et elle lui avait promis de le mettre au-dessus de tous ses voisins. La première occasion qui s’offrit de prouver son amitié et sa puissance, fut celle de la conquête de la merveilleuse princesse et de son île ; et la fée ne sachant pas qu’elle trouverait entête une puissance plus grande que la sienne,
avait promis des merveilles. Les deux flottes
voguaient d’un même vent, et se suivant de près, s’approchaient en même temps de l’île.
La savante fée qui avait toujours l’œil au guet
sur les intérêts de la princesse, ayant appris, par
son art, que les deux flottes approchaient de l’île, envoya une troupe de dauphins à qui elle avait
départi quelques dons de féerie, et qui ayant
rencontré la flotte du grand roi, se mirent autour
de son vaisseau pour lui servir de pilotes, et le
conduire dans le port. C’était un spectacle
charmant de voir une troupe de superbes
dauphins qui s’empressaient à qui marcherait plus près du vaisseau royal : la flotte ennemie était au contraire assiégée de monstres marins, et de grosses baleines qui ne lui faisaient voir que des objets désagréables ; et pour surcroît de disgrâce, le vent lui devint contraire, dans le temps que celle du grand roi l’avait en poupe, et voguait à pleines voiles pour passer entre les deux rochers, qui portaient chacun un globe de diamants en guise de fanal.
Le roi voyant échouer tous ses projets, fit des
reproches à la fée son amie de ce qu’elle lui
manquait au besoin. Elle s’excusa le mieux
qu’elle put, disant qu’il fallait que quelque
puissance supérieure s’en mêlât, et ne pouvant
faire mieux, elle lança une infinité de boules de
feu contre la flotte du grand roi, mais
inutilement : il n’y en eut aucune qui parvint à la
moitié de la distance qui était entre les deux
flottes.
Le roi au désespoir de voir qu’il ne pouvait
combattre le grand roi qui allait triompher de tous ses projets, faisait faire force de voiles pour
tâcher de le suivre ; mais un grand orage s’étant
tout d’un coup élevé, sa flotte fut dispersée ;
quelques-uns de ses vaisseaux s’allèrent briser
contre les rochers qui faisaient les remparts de
l’île, et celui qui le portait fut jeté à la côte de ses
états pendant que le grand roi entrait dans le port de l’île au bruit de cent trompettes.
Quel plaisir pour la merveilleuse princesse de
voir de dessus un balcon de son palais qui avait
vue sur le port, mille magnificences qu’ellen’avait pas connues ! Le vaisseau royal qui paraissait à la tête de tous, était chargé d’enseignes, de banderoles, et de flammes de soie de toutes les couleurs, et il brillait d’or et d’azur de tous les côtés. Aussitôt que le grand roi fut entré dans le port, il envoya desambassadeurs à la princesse pour la supplier de trouver bon qu’il mît pied à terre dans ses états, et de lui permettre d’aller lui offrir les hommages d’un cœur qui était rempli de respects infinis pour elle, et d’une grande passion de les lui rendre agréables. La princesse répondit qu’elle verrait le roi chez elle avec beaucoup de plaisir, et qu’elle l’attendait avec impatience. Le roi descendit incontinent, et la princesse étant venue au devant de lui jusqu’à la porte de son appartement, la surprise fut égale entre eux. Le roi trouva la princesse cent fois plus belle que son portrait, et la princesse trouva le roi cent fois au-dessus de tout ce qu’elle en avait cru. La surprise fut suivie de discours pleins de politesse ; et le roi fut conduit par tous les grands de la cour de la princesse, dans un appartement où l’on ne pouvait jeter les yeux que sur des pierresprécieuses, ou des draps d’or et de soie qui composaient tous les meubles préparés pour la réception d’un si grand roi.
On fit servir au roi un grand repas où rien ne
manquait de ce qui pouvait satisfaire ou le goût
ou la vue : il avait été préparé et fut servi par
quatre jeunes fées qui portaient chacune une robe parsemée de rubis ; elles mirent sur la table du roi des mets délicieux dont quelques-uns lui étaient inconnus, aussi bien que la matière des plats qui était cent fois plus belle que le plus fin or ; le buffet était de même chargé de flacons de
matières peu connues, et aussi brillantes que les
plats ; on sait seulement qu’il y en avait deux qui
étaient deux si grosses perles, qu’il n’est pas
possible que la nature en ait formé deux autres
pareilles. Le roi but dans une coupe faite d’une
seule émeraude, d’une liqueur plus délicieuse que tout le nectar et l’ambroisie qu’on sert à la table des maîtres du monde. Mais toute la
magnificence et les délices dont je viens de
parler, n’arrêtèrent le roi qu’un moment ; il entra
incontinent dans un cabinet où il fit appeler ses
ambassadeurs, et les envoya pour dire à laprincesse le sujet de son voyage, et régler avec elle, si elle avait son dessein agréable, les
conventions et l’heure de leur mariage, c’est-à-
dire, recevoir ses lois, car c’était l’ordre que le
grand roi avait donné à ses ambassadeurs. Les
conventions ayant été bientôt réglées, le roi vit
incontinent la princesse, et le mariage se fit le
lendemain ; il fut suivi d’une infinité de jours et
d’années d’une félicité toujours parfaite.
Le roi, après avoir fait un séjour de quelques
mois dans l’île qu’il trouvait délicieuse, mena la
princesse dans ses états, où il la fit couronner en grande pompe ; plusieurs de ses courtisans
s’étaient aussi mariés dans l’île, où ils avaient
rencontré des dames très aimables qui furent
charmées d’avoir le moyen de ne quitter jamais
de vue, pour ainsi dire, une souveraine qui faisait
les délices de tous ses sujets.
Le grand roi pour récompenser la savante fée
de tout ce qu’elle avait fait pour lui, voulut
qu’elle commandât dans l’île ; ce qu’elle accepta,
pour y faire, répondit-elle, célébrer le nom et le
mérite d’un roi et d’une reine si aimables, et faireexécuter ponctuellement leurs ordres. Ainsi les habitants de l’île, aussi bien que ceux de terre ferme qui obéissaient à d’aussi illustres
souverains, goûtèrent longtemps la parfaite
félicité qu’il y a à recevoir des lois dispensées
avec une exacte justice, et émanées d’un trône
tout brillant de gloire.
FIN
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Comments
Roméo
salut pas mal tu devinerra jamais qui sais /Chuckle//Chuckle//Chuckle// à l'auteur /
2024-03-18
1
♐️Jahan🚬
Hey , cool ton histoire, j'espère que tu sais qui j'suis.
2024-08-13
1