Épisode 5

Malik

Cet ogre ! Il m’a fait mal au visage, un homme si détestable. Le pire, c’est qu’il ne m’a laissé aucune porte de sortie.

Jordan est un garçon doux et gentil, plein de vie et d’énergie. Perdre ses parents, d’autant plus dans ces circonstances, va le détruire. Je le sais parce que ça a été comme ça pour moi. J’ai grandi dans les traumatismes et l’insécurité, ce qui m’a fait m’attacher si facilement à David, et me donner si aveuglément à lui. J’avais tellement besoin de me sentir à nouveau aimée et protégée, et David était si gentil et attentionné, que j’ai fini par fermer les yeux sur tout le reste.

Je suis née en Somalie. J’y ai vécu jusqu’à l’âge de douze ans, lorsque mon père a été tué. Mon pays vit une guerre civile depuis les années 90.

Mon père était professeur de philosophie et rêvait de changer le monde. Il a été tué par des forces rebelles, à l’intérieur de notre maison, en plein milieu du salon, devant ma sœur et moi.

Nous sommes restées là, dans le salon, à serrer le corps de mon père dans nos bras pendant des heures, jusqu’à ce que ma mère rentre du travail. Ce jour-là, tout a changé pour nous. Ma mère nous a envoyées ici, aux États-Unis, chez une cousine éloignée. Elle a décidé de rester là-bas pour se battre pour le pays et essayer de réaliser le rêve de mon père de mettre fin à la guerre.

À l’époque, j’ai beaucoup souffert. Je pensais avoir été abandonnée et j’ai vécu avec ce sentiment pendant des années. Après tout ce temps et beaucoup de thérapie, je comprends aujourd’hui un peu mieux ma mère.

Voir mon père se faire tuer sous mes yeux a été la chose la plus triste que j’aie jamais vécue. Je ne peux pas laisser Jordan vivre ça, pas si je peux l’aider.

Et à bien y penser, ce ne sera pas si mal. S’il tient sa promesse que tout cela ne sera que pour la forme, je n’aurai pas à coucher avec lui. Je pense que ça pourrait marcher. Je peux faire ça pour Jordan.

Mais j’ai autant envie que lui qu’ils pensent que ce mariage est réel. Je ne veux pas que ma sœur et mes cousines me regardent avec pitié, qu’elles aient pitié de moi. Je peux faire semblant d’avoir mis le grappin sur un beau mafieux, puis trouver une excuse quand le divorce sera prononcé. Personne n’a besoin de savoir que je suis toujours célibataire et seule.

La chambre dans laquelle j’étais était magnifique, très spacieuse et aérée. Je ne me souviens pas avoir déjà dormi dans un lit aussi moelleux. Malgré la fatigue, la peur et l’appréhension, j’ai passé une nuit raisonnablement bonne.

Je me suis réveillée et j’ai vu qu’ils m’avaient rendu mon téléphone portable qu’ils m’avaient pris hier. J’ai regardé l’heure et je me suis préparée à descendre parler au géant tatoué.

J’ai descendu un très grand escalier, j’ai bien regardé autour de moi et j’ai vu à quel point ce manoir est magnifique, et le tout très bien décoré dans un style épuré et moderne.

J’ai trouvé une salle à manger avec tellement de chaises qu’on aurait dit une cafétéria. Il y avait beaucoup de nourriture sur la table, mais seulement deux personnes étaient assises, ce que j’ai trouvé ridicule. L’ogre idiot, que je sais maintenant s’appeler Dimitri, était en bout de table, et à côté de lui se trouvait son ombre, un type d’une quarantaine d’années qui avait toujours une expression vide sur le visage.

Dès qu’il m’a vue, Dimitri a esquissé un sourire narquois et s’est mis à me taquiner.

" Bonjour, professeur. Je suppose que vous avez une réponse pour moi. "

" Bonjour, M. Romanov, mais j’ai quelques conditions. "

" Regarde-moi ça, Ivan. Il croit pouvoir exiger quelque chose. "

" Ce ne sont pas des exigences, ce sont des conditions. C’est différent. "

" Par curiosité, quelles seraient vos conditions ? "

" Eh bien, comme vous, je ne veux pas que ma famille sache qu’il s’agit d’un mariage arrangé. Je veux que vous veniez chez moi et que vous rencontriez ma famille. Puisque le mariage va être précipité, nous devrions au moins aller les voir et le leur annoncer. Et je veux aussi continuer à enseigner, je ne peux pas abandonner ma classe comme ça. "

" C’est tout ? "

" Oui. "

" Eh bien, aller chez vous n’est pas le genre de choses que j’aimerais faire, mais cela rendra le tout encore plus réel et authentique, alors je suis d’accord. Quant au travail, ce ne sera pas un problème non plus. Cela ne fera qu’irriter encore plus mes ennemis. Je vous préviens juste que vous aurez un chauffeur et des gardes du corps avec vous en permanence. "

" Très bien, alors je suis d’accord. "

Dimitri s’est levé, s’est approché de moi et m’a tendu la main.

" On a un marché ? "

Je ne sais pas dans quelle mesure cet accord va changer ma vie, mais je ne vois pas d’autre choix que d’accepter.

" Oui, nous avons un marché. "

" Bien, professeur, maintenant que nous sommes d’accord, je vais demander à l’un des agents de sécurité de vous raccompagner. J’ai déjà enregistré mon numéro sur votre téléphone portable. Je ne veux pas savoir ce que vous faites, donc si j’appelle, vous répondez. Je passerai vous voir plus tard dans la journée. "

C’était dimanche, donc ma sœur a dû aller chez mes beaux-parents avec mon beau-frère et les enfants, ils ne devraient pas être à la maison quand j’arriverai, ce qui me laissera un peu de temps pour me calmer et inventer une histoire sur la façon dont j’ai rencontré mon futur mari avant de lui parler.

Avant que je ne parte, Dimitri m’a présenté Tiago, mon garde du corps. Je l’ai tout de suite apprécié, il a un si beau sourire et il semble sincère. Je suis rentrée chez moi accompagnée de Tiago, il est resté dans la voiture, et je soupçonne qu’il va dormir là. Je suis restée là un moment à regarder le plafond en essayant d’assimiler tout ce qui se passait dans ma vie à ce moment-là.

C’est alors que j’ai entendu le bruit de la porte qui s’ouvrait et les enfants qui riaient et jouaient.

Bon, je vais aller leur parler, j’espère que Latifah ne va pas me tuer !

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