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158 | JANVIER-MARS 2007
Varia
Varia
La lecture à l’épreuve de l’adolescence : le rôle des CDI des collèges et lycées
Reading put to the test of adolescence. The part played by resource centres in middle school and
high school
La lectura a prueba de la adolescencia. El papel de los CDI de los colegios e institutos
Lesen im Jugendalter: die Rolle der Schulbibliothek
Pierre Perier
p. 43-57
https://doi.org/10.4000/rfp.446
Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Cité par | Auteur
RÉSUMÉS
FRANÇAIS
ENGLISH
ESPAÑOL
DEUTSCH
L’allongement de la scolarité a favorisé l’accès au livre et à la lecture des jeunes des
catégories sociales qui en étaient auparavant éloignés. Dans le même temps, s’impose le
constat d’une baisse de la pratique chez les adolescents, au moins par le temps consacré et le
nombre de livres lus. Cette conjonction paradoxale pose la question de la place de la lecture,
des manières de lire et des significations de la pratique à l’adolescence. L’hypothèse
développée sur la base d’une enquête par questionnaire réalisée auprès de 956 collégiens et
lycéens consiste à montrer que la lecture suit les inflexions d’une construction de l’identité
insérée dans les sociabilités juvéniles et qu’à ce titre, elle fait l’objet d’une réappropriation et
d’investissements sur un mode propre à l’adolescence et à ses différences. Le réagencement
qui s’opère modifie les modes d’approvisionnement en lectures et le rapport au Centre de
documentation et d’information des établissements scolaires en particulier. Ce dernier
représente un espace privilégié pour une politique d’offre de lecture susceptible d’atténuer les
inégalités de fréquentation des bibliothèques publiques ou de « choix » dans la sphère privée.
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ENTRÉES D’INDEX
Mots-clés : adolescent, CDI, collège, identité, identité culturelle, lecture, lycée
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PLAN
L’enquête par questionnaire auprès d’élèves de collèges et lycées
La lecture des adolescents : les pratiques et les goûts
Le paradoxe de la socialisation scolaire de la lecture
Lire comme licere
Enjeux identitaires de la lecture à l’adolescence
Distinctions de « genre »
Des « niches » de lecture ?
Les ressources du lecteur
L’autonomisation de l’accès à la lecture
La médiation du CDI
Les adolescents, la lecture et le CDI : quelques perspectives
Conclusion
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TEXTE INTÉGRAL
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1 Il semble inutile ici de citer des noms ou des références. Chacun saura aisément les
reconnaître, s (...)
1
Portée par le développement d’une politique d’offre publique et les effets de la massification
scolaire, la lecture s’impose désormais comme une pratique socialement et culturellement
moins exclusive et par conséquent moins distinctive. Se diffusant par le biais de la
scolarisation, elle s’est accompagnée d’une baisse sensible du nombre des « petits » lecteurs
conjuguée à une diminution du noyau de ceux qui formaient les « grands » lecteurs et
témoignaient symboliquement de la valeur de la pratique (Patureau, 1992 ; Baudelot et al. ,
1999). Ce bilan paradoxal nourrit nombre de controverses sur les raisons et les effets de ce
que les uns perçoivent avec inquiétude comme l’amorce d’un déclin de la littérature et avec
elle, de la culture nationale 1 , quand d’autres y perçoivent au contraire un effet de la
démocratisation de l’accès au livre et à la lecture qui n’est plus le privilège d’une élite scolaire
et sociale. Plutôt que de renchérir dans un ordre de discours où l’éclat des passions élude
toute velléité de démonstration, on s’intéresse dans ce texte à resserrer le champ
d’observation au niveau des jeunes et plus particulièrement des adolescents des classes de
collège et de seconde au lycée. Confirmant sur ce point les résultats d’autres recherches,
l’enquête qui fournit la matière de cet article montre une inflexion dans les pratiques de lecture
amorcée dès la classe de 5 e et accentuée en classe de 3e , corroborée à une érosion dans la
fréquentation des Centres de documentation et d’information (CDI) des établissements
secondaires. Ce qui s’apparente, pour certains, à une forme de décrochage de la lecture pose
alors une double question : en quoi l’entrée dans l’adolescence modifie-t-elle le rapport à la
lecture et dans quelle mesure l’offre des CDI des collèges et lycées ne rencontre-t‑elle plus (ou
moins) les dispositions et intérêts à lire d’une partie de la jeunesse ? Ou bien : quelles sont les
formes et significations nouvelles de la lecture à cet âge de la vie et quel peut être le rôle
d’une offre scolaire face à des publics plus « captifs » à l’école qu’ils ne le sont dans la
sphère privée ?
2 Pierre Bourdieu (1979) évoquait à ce propos les droits d’entrée symboliques (tradition
familiale, f (...)
2
Il ne suffit pas, en effet, d’une plus grande proximité de l’offre publique de lecture pour que
celle-ci se traduise par une égalité d’accès, notamment pour ceux qui en sont culturellement
les plus éloignés 2 . De nombreuses recherches et enquêtes ont été attentives à ces biais de
fréquentation et à l’évolution dans les usages des bibliothèques publiques ou médiathèques
mais elles restent encore embryonnaires quant au rôle de l’offre en milieu scolaire et dans les
CDI en particulier. Certes, la socialisation scolaire de la lecture (savoir-lire et si possible aimer-
lire) s’effectue prioritairement dans la classe mais elle se prolonge également hors ses murs à
travers l’espace documentaire et le fonds de lectures des équipements gérés et animés par les
professeurs-documentalistes des établissements secondaires. De plus, les dispositifs
pédagogiques qui encouragent le travail indépendant des élèves utilisant les ressources
documentaires – sous la forme, par exemple, des Travaux personnels encadrés (TPE) –, ou
l’introduction dans les programmes de collège d’une littérature de jeunesse, confèrent un rôle
étendu au CDI dans la familiarisation avec l’univers du texte et de la lecture, fonctionnelle et
fictionnelle. Les liens de plus en plus étroits que les politiques éducatives (en particulier la Loi
d’orientation de 1989) semblent vouloir tisser entre la maîtrise de la langue, la lecture et la
réussite scolaire consacrent la nouvelle place et légitimité du CDI (Chapron, 1999). Pour
autant, analyser les rapports entre la lecture et le CDI implique, selon notre perspective, de ne
pas en rabattre l’enjeu sur la seule fonction scolaire car l’expérience des collégiens et lycéens
ne se réduit pas à un processus d’apprentissage et la lecture à l’accomplissement du « métier
d’élève ». Elle engage une dynamique, propre à l’adolescence, de l’émancipation individuelle,
de la construction de l’identité sexuée et des sociabilités entre pairs dont l’analyse, suivant
l’hypothèse de cette recherche, éclaire les changements dans le rapport à la lecture et les
usages du CDI.
L’enquête par questionnaire auprès d’élèves de collèges et lycées
3 Précisément, l’enquête a eu lieu en juin 2002 dans le cadre d’un stage académique de
formation cont (...)
3
Les données d’enquête ont été collectées sous la forme de questionnaires administrés auprès
d’élèves de collèges et lycées publics de l’académie de Rennes 3 . Au total, trente classes de la
6 e à la 3 e dans trente collèges en zone rurale et urbaine, cinq classes de seconde dans quatre
lycées professionnels (sections de BEP tertiaire et industriel) et quatre dans autant de lycées
d’enseignement général et technologique ont été enquêtées, soit 956 élèves au total. Afin de
se prémunir des biais liés à l’inégale participation des élèves selon leur degré d’intérêt pour la
lecture, ce sont tous les élèves des classes tirées au hasard (parmi l’ensemble des classes de
chaque niveau dans chacun des établissements) qui ont répondu au questionnaire. On peut
donc considérer que l’échantillon des collégiens et lycéens (seconde) est représentatif des
élèves, filles et garçons (respectivement 49,5 % et 50,5 %) des établissements ayant participé
à l’enquête. On se gardera cependant d’extrapoler les résultats dans la mesure où le sous-
ensemble des collèges et lycées formé par le groupe des documentalistes investies dans une
démarche volontaire de formation peut être différent, sous certains critères (sociologie des
élèves, politique et ressources documentaires, etc.), de la structure académique et a fortiori
nationale. Le questionnaire comportait une vingtaine de questions centrées sur les pratiques et
goûts de lecture, les modes d’accès à la lecture et le rapport au CDI. Il a été administré dans
les classes par les documentalistes et en garantissant l’anonymat des répondants. Condition
nécessaire mais probablement insuffisante pour lever tous les biais de sous-déclaration (la
lecture assimilée au livre excluant d’autres formes et supports de lecture) et de sur-déclaration
affectant toute pratique scolairement et culturellement consacrée.
La lecture des adolescents : les pratiques et les goûts
Le paradoxe de la socialisation scolaire de la lecture
4 Le nombre d’heures consacrées à la lecture et à la fréquentation des bibliothèques
publiques attein (...)
4
L’allongement de la scolarité lié à la massification scolaire du secondaire a renforcé pour une
part croissante des adolescents l’accès au livre et à la lecture. Si le goût de lire s’enracine
dans la famille selon la nature du patrimoine littéraire qu’elle possède et surtout transmet
effectivement (Lahire, 1995), l’expérience scolaire pèse de plus en plus fortement, ne serait-ce
que par sa durée, sur les parcours et pratiques des lecteurs. La socialisation scolaire de la
lecture opère par le biais des œuvres étudiées et consiste plus généralement, en une
familiarisation avec l’univers du texte et du livre, en classe et ailleurs. Pour autant, les
enquêtes sur les pratiques de lecture montrent que, du collège au lycée, se produit une
décroissance du nombre et de la diversité des livres lus, ainsi que du temps consacré à la
lecture en général 4 . Les effets d’imposition scolaire de la lecture sinon des « bonnes »
lectures conduisent progressivement à ce qu’un petit nombre d’auteurs et d’ouvrages, les «
classiques » étudiés en classe, soient lus par un nombre croissant de lecteurs. Ce phénomène
dure au moins jusqu’à la fin de la classe de première, avec la perspective des épreuves de
français pour les lycéens de filières générales et technologiques (Baudelot et al. , 1999).
D’après l’enquête, le resserrement coïncide avec l’entrée en seconde au lycée (cf. Tableau I).
Une question ouverte portant sur la dernière lecture atteste effectivement de cette part
croissante prise par les références de littérature dite « classique », rassemblant en réalité des.
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