La chambre était dans des tons crèmes et bois foncé. Comme je l'aime les spots au plafond sont éteints et les rideaux tirés. Dans le reflet de l'écran plat, mes cheveux bruns forment une couronne au-dessus de ma tête. En pleine forme mais feignante, je décale les couvertures, attrape mon t-shirt ainsi qu'un sous-vêtement et quitte la pièce. Le couloir en parquet gris est long et aussi blanc qu'une chambre hospitalière. Sur la pointe des pieds, je me faufile jusqu'à la dernière chambre au fond du corridor. La porte en boiserie grince et je m'introduis dans la pièce. Une fois à l'intérieur, je referme l'entrée derrière moi et m'incruste dans les draps soyeux. La place est chaude mais les literies sont froides, me procurant un léger frisson dans l'échine. Le matelas remue et un bras, musclé et fort, enveloppe ma taille dans une douce étreinte. Sous la pression de cet autre corps auprès du mien, mes muscles se détendent et se pressent tout autant contre le bel homme.
_ Plus que trente minutes.
_ Tais-toi donc. Que les trente dernière minutes soit consacrées au silence absolu.
Je me retourne, les yeux toujours fermés, et tente de profiter de la demi-heure prochaine. Mais de gros doigts replaçant une de mes mèches, m'en empêchent. Essayant de faire abstraction de la gêne, je m'efforce de me rendormir sans que cela ne fonctionne véritablement.
_ Vas-tu donc arrêter de me tripoter les cheveux ?
_ Non. Ils sont à moi.
_ Et pourtant, c'est moi qui les lavent et qui les entretiens, arrête de faire le gros dur et laisse-moi dormir, crétin.
Je frappe son épaule et me recouche dessus, frottant ma joue sur la brûlure qu'à provoqué mes doigts. Malheureusement, des coups au rez-de-chaussée se font entendre, interrompant ma petite sieste. Ils sont de plus en plus forts et la porte grince quand il l'ouvre.
_ Il est obligé de faire ça à chaque fois ?
_ Il adore m'emmerder.
Le bruit sourd des pas de l'intrus sur le beau parquet et ses chaussures italiennes de grande marque font crissé les escaliers métalliques foncés. Je propose à Ash de tuer son frère et lui promets que sa souffrance ne serait pas trop grande. Un marché que je trouve plutôt équitable si on prend en compte qu'il m'a dérangé en sachant que ces instants de sommeil ne me sont pas donné.
_ J'entends tout espèce de salope !
_ Alors laisse-moi dormir, abruti ! Non mais c'est de famille ! Vous êtes aussi pénible les uns que les autres !
Énervée et amusée dans le même temps, je reste impassible, me redresse et me lève pour rejoindre le petit dernier des Morningstar mais suis retenue par deux longs bras qui brident ma liberté de mouvement. Taylor pénètre dans la chambre comme un roi et son frère tire sur mon haut pour cacher mes parties et sûrement aussi pour m'empêcher de lui sauter dessus. Un minimum calmée mais tout de même sur les nerfs, je passe devant l'invité sans le toucher et rejoins la cuisine à l'étage inférieur. J'enclenche la cafetière, attrape cinq tasses que je remplis de caféine puis remonte et toque aux quatre autres portes dont les pièces sont occupés. Je retourne dans ma chambre, prends une douche bien chaude et enfile mon uniforme. Une paire de jean en latex, un débardeur, une veste en cuir avec une capuche en tissu et de longues bottes à talons hauts. Une tenue entièrement noire qui me permettra de me fondre dans l'obscurité durant la chasse. Avant de descendre les marches et de m'introduire dans la kitchenette, je glisse quelques armes dans mes chaussures et à ma ceinture. Les escaliers me mènent à la pièce de réception et au séjour et quelques pas plus tard, je pénètre dans la cuisine en chrome sombre et retrouve mes camarades autour de l'ilot central raffiné en menuiserie. Comme d'habitude, Ardyn à la tête sur la table. Une des tasses est posée devant lui, à moitié vide. Lindsey, assise sur le plan de travail derrière Ardyn, le regarde exaspérée contrairement à Mila qui, un sourire collé aux lèvres, les observe avec amusement.
_ Merci pour le café.
_ Une fois réveillée, il ne me restait que ça à faire.
Je soupire et réajuste ma veste sur mes épaules avant de partir m'assoir en face d'Ash qui lève les yeux de son récipient pour me fixer.
_ Elle ne te va plus.
_ Je ne rentre plus dedans, ça c'est certain. J'ai l'impression d'avoir pris des kilos sans rien manger.
_ Tu sais ce qu'on dit, grossir c'est l...
Je frappe du poing sur la table et dépose une des dagues qui étaient dans mes chaussures sur le mobilier. Avec ma tête d'enterrement, mes sourcils froncés et mes cernes, je dois surement faire d'autant plus peur qu'à la normale. Chose que je comprends aux traits tirés d'Ardyn quand celui-ci lève les yeux sur moi.
_ Si tu me parles de destin, je te tuerai tellement de fois que personne ne sera certain que tu reviennes un jour.
_ J'allais parler de grossesse.
J'ouvre la bouche pour répliquer mais quelqu'un prend les devants, me coupant la parole. Un tantinet furieux, mon compagnon scrute son frangin dans les yeux, s'imaginant surement le faire chanter en le castrant. Un rêve que nous partageons tous dans cette maison, sauf peut-être Mila qui n'apprécierait pas.
_ Tu sais que cela est impossible, Taylor.
_ Vous vous protégez ?
Non mais je rêve ! Quel question stupide ! Bien sûr que non ! ( note de l'auteur: il est important de se protéger les enfants ) Et Taylor le sait. Dans tous les cas, je n'ai rien à craindre avant que l'on ne me retrouve. Enfin d'après la dernière prophétie d'Apollon, la plus importante de toutes.
Sous les vingt coups de l'horloge
Les cris résonnent
Enveloppé dans les flammes infernal
L'enfant à deux têtes s'amusera de l'éclat du Feu, de l'Eau et de la Vie
Les étincelles scintillantes des Primaires émotions
Rage, colère et haine flamboient dans son regard bleuté
Agressivité, hostilité et contrariété chatoient dans ses pupilles orangé
Elles tournoient autour du drap,
Ténébromancie et Ombromancie se disputent la place dans les cœurs méritants.
Étant une prophétie, je pourrais ne plus jamais couché avec mon compagnon, je finirais tout de même par tomber enceinte cette année. Mais cela ne m'a jamais véritablement dérangé. J'ai grandi dans le monde des humains mais mon âme appartient à l'Olympe et ses peuples. Je suis une Antique et ne suit que les règles que je m'impose à moi-même car l'humanité ne connait pas tout l'étendu de son propre monde. Comme exemple, les Sentinelles doivent chasser pour assurer leurs protections mais aucun ne s'en plaindra parce qu'ils adorent leur métier qui leur donne une raison de vivre.
_ J'ai dix-neuf ans, Taylor.
_ Donc cette année... putain déjà ! Mère te tuera si tu ne la retrouves pas, Achlys.
_ Je déteste quand tu m'appelles comme ça, Moros.
Achlys est le véritable nom d'Asher. Son nom d'Olympien, comme le mien est Cassiope. En tant qu'enfant le plus puissant de Nyx et Chaos, il est le seul destiné à prendre la tête d'Obscure parmi une grande fratrie. Dans un ordre décroissant, Moros, Dieu du destin fatal, autrement dit Taylor, est l'avant-dernier.
_ Bon, ce n'est pas tout mais si je suis là ce n'est pas pour des clopinettes. Alyzia vous a confié le Bronx, ce soir et devinez quoi, je vous accompagne.
_ Merde.
_ Cela ne te fait pas plaisir, ma chère belle-sœur ?
Je ne réponds pas à la provocation, donnant une réponse plus clair que si les mots étaient sortis. Au lieu, je ne me préoccupe pas de la réaction de Taylor qui semble outré pour me focaliser sur un de nos membres.
_ Ardyn ? T'es vivant ?
Un léger grognement sort d'entre ses lèvres et il me montre son pouce en l'air pour acquiescer. Finalement, le blond se relève et réajuste sa veste de cuir exactement comme la mienne.
_ Prêt patronne.
Tous en uniforme de traque, nous rejoignons l'entrée dissimulée sous les escaliers et attrapons quelques armes de la panoplie de traqueur ainsi que nos scriptis. Si les scriptums sont les écritures, les scriptis sont les stylos qui nous permettent de les inscrire. Leurs pointes en pierres précieuses sont imprégnés de mana qui donnent plus de puissance à nos graphismes, les Anciens les nommes « runes ». Elles améliorent les performances physiques et psychiques, ce qui est un énorme avantage contre les Damnatio pour les Sentinelles banals. Mais nous sommes l'élite de l'élite, on nous appelle « L'équipe Alpha ». Autant Mila, qu'Ardyn ou même Lindsey, ils sont tous Olympiens, c'est-à-dire à moitié divin. Lindsey est la fille de Péitho, la Déesse de la persuasion; Mila est descendante d'Arès et Ardyn est l'enfant d'Éros, le Dieu de l'Amour et de l'acte sexuel, ce qui explique surement beaucoup de choses. Les stylos dans la manche, nous regagnons la sortie du petit duplex mis à notre disposition. Je scelle la porte et nous descendons pour sortir de l'immeuble. Une fois dehors, nous nous fondons dans le décor sombre. Chacun son partenaire, les garçons s'agenouillent et nous font la courte échelle avant de nous projeter sur les toits. Lorsque mon corps rencontre la dureté du sol, je roule sur moi-même et vérifie qu'il n'y a aucune menace. Après examen et un signe vers le bas, les garçons nous rejoignent et nous nous divisons en trois groupes puis chacun part de son côté pour débuter les patrouilles. Commençant ma ronde par Eastchester, je fais un petit repérage du quartier avant de continuer mon boulot. En passant au-dessus d'une ruelle sombre, j'entends les cris d'une femme en train de se faire agresser. Je balance mon poids sur mes jambes et, dans un saut pratiquement parfait, atterrit au sol. Le bruit du bas de mon corps sur le bitume attire l'attention donnant une occasion de s'échapper à la jeune fille quand son agresseur me fixe.
_ On ne t'a jamais dit que le viole était puni par la loi ?
_ Tu devrais t'en aller, jeune fille. Avant de le regretter.
_ Jeune fille ? Tire-toi. Maintenant, ordonne-je à la victime.
_ Tu n'aurais pas dû faire ça. Tu n'aurais vraiment pas dû.
Comme je lui ai dit, la fille s'enfuit, me laissant derrière elle. Quelques secondes plus tard, l'organisme de l'homme change. Sa texture épidermique devient laiteuse et épaisse. Des filaments bleus le recouvrent entièrement. Ses yeux, son nez et sa bouche disparaissent pour laisser place aux tissages particuliers qui l'ensevelit. Merde !
_ Un sine faciem.
Son rire gras éclate dans la nuit avant qu'une dague ne lui transperce la gorge. La bestiole tourne la tête dans un angle de 180° et fixe Asher. D'un mouvement rapide et précis, le damnatio retire l'arme de sa blessure qui guérit instantanément.
_ On passe à l'offensive, ma belle.
_ Elle n'attendait que ça.
Les Olympiens de rôle divin ont une arme spécifique qui l'aide à garder un minimum de contrôle sur la puissance de son mana. Et nous n'y faisons pas objection. Bien au contraire. La mienne est une faucille à double lame légendaire. Je remonte la manche de ma veste et laisse les pleins pouvoirs à mon attribut animal, Heartless. Le bracelet d'argent à mon poignet laisse les deux ailes à ses extrémités devenir un tatouage et s'évaser sur mon bras vers mon autre main où le bijou devient une faux qui s'embrase quand je la racle contre le sol. Lorsque je projette l'arme vers mon ennemi, celle-ci le coupe à la taille assez profondément pour l'immobiliser. Le déchu plaque ce qui ressemble vaguement à des mains sur la plaie profonde dans une tentative tout à fait veine de se régénérer mais mon arme a été maçonné dans les flammes les plus infernal d'Obscure, ce qui en fait une arme ultime. Mon compagnon empoigne ses épées, Umbra et Lux, et saute sur les épaules de la bestiole. Dans un jeu de pivot, il tranche la tête du monstre qui retombe à mes pieds. À l'aide de mon scriptis, j’inscris le script des Erasers sur le mur puis il se camoufle après trois petites secondes. Une fois de nouveau en sécurité sur les toits de la ville, nous conversons tranquillement.
_ Un faciem ?
_ C'est plutôt étrange qu'il rôde en ces temps-ci. Il profitait sûrement de l'excitation des fêtes.
Il secoue la tête.
_ Il est possible que tu es raison.
_ Attends, tu as dis quoi ? Répète pour voir. C'est que cela est tellement rare et pourtant si vrai.
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